🎒 Comment démarrer l’aventure
La chance est ce qui arrive quand la préparation rencontre l'opportunité - Sénèque
🤔 Se poser les bonnes questions avant de se lancer
Aventure entrepreneuriale ou simple conception de jeu ?
Vous êtes-vous vraiment demandé si vous vouliez créer un jeu vidéo ou créer une structure qui conçoit et vend des jeux vidéo ?
Créer une structure ajoute, à votre casquette de créatif·ive, celle de gestionnaire d’entreprise : gérer l’administratif, rechercher des financements et collaborer avec d’autres personnes.
Le plus difficile pour un indépendant, c’est qu’il doit porter plusieurs casquettes - Jean-Francois Major de Tributes Games
Si tel est bien votre objectif, alors ce guide est là pour vous aider à monter votre entreprise de développement de jeux vidéo. Vous y trouverez des connaissances et des bonnes pratiques pour démarrer votre aventure entrepreneuriale :
- Structurer votre projet grâce aux bases de la gestion de projet
- Découvrir des structures et liens utiles pour être accompagné·e dans vos démarches de création de studio
- Réfléchir et avancer étape par étape dans les formalités de création d’une structure en France
- Vous préparer à la prospection d’un éditeur ou à une stratégie d’auto-édition
- Connaître les différents financements possibles
- Comprendre l’importance du marketing pour promouvoir vos jeux
- Et encore d’avantages…
Avant de plonger dans ce vaste océan d’informations, je vous recommande vivement, si ce n’est pas déjà fait, de définir votre projet avec des objectifs clairs grâce à la méthode SMART.
Quels objectifs je me fixe ? Méthode SMART
Introduite par George T. Doran en 1981, sur la base des travaux de Peter F. Drucker, spécialiste en gestion des entreprises, la méthode SMART est un outil de motivation qui permet de définir des objectifs clairs et d’augmenter vos chances de réussite.
- Spécifique : l’objectif doit être adapté, précis et compréhensible. Un objectif SMART doit être simple et facile à expliquer.
- Mesurable : il doit exister un indicateur de succès permettant de vérifier si l’objectif est atteint. On pourra, par exemple, mesurer l’efficacité des ressources humaines et matérielles pendant le projet.
- Atteignable : les objectifs définis doivent être réalistes et réalisables dans la durée du projet. Découpé en une série d’objectifs accessibles.
- Réaliste : pour maintenir une motivation durable, l’objectif doit être cohérent avec votre profil, vos moyens et vos compétences.
- Temporel : fixez une date butoir. Chaque objectif doit être atteignable dans une durée définie et réalisable avant la date de fin prévue du projet.
Voici les questions à vous poser pour fixer vos objectifs pour établir votre plan SMART de votre projet :
| Critère | Questions à se poser | Votre objectif |
|---|---|---|
| Spécifique | Mon objectif est-il clair, compréhensible et précis ? | |
| Mesurable | Quels indicateurs (chiffres, objectifs, livrables) me permettront de vérifier son avancement et sa réussite ? | |
| Atteignable | L’objectif est-il réaliste compte tenu de mes ressources (temps, budget, compétences, équipe) ? | |
| Réaliste | Cet objectif est-il cohérent avec ma vision, mes moyens et mes compétences actuelles ( et celles de mes collaborateur·rices, si nous sommes une équipe) ? | |
| Temporel | Quelle est la date butoir ? Quels objectifs intermédiaires fixer pour suivre l’avancée du projet ? |
| Critère | Questions à se poser | Exemple : Studio de jeux d’horreur |
|---|---|---|
| Spécifique | Mon objectif est-il clair, compréhensible et précis ? | • Créer un studio de développement spécialisé dans les jeux d’horreur en 3D • Premier projet : un jeu PC d’horreur d’aventure linéaire |
| Mesurable | Quels indicateurs (chiffres, milestones, livrables) me permettront de vérifier son avancement et sa réussite ? | • Mise en place d’une méthodologie de travail pour suivre le projet, avec des milestones définies pour chaque phase • La vertical slice permettra de vérifier l’idée auprès de pros et de joueur·euses, ainsi que de rechercher un éditeur et des financements • Ne pas dépasser 300 K€ et 30 mois de production pour le premier projet |
| Atteignable | L’objectif est-il réaliste compte tenu de mes ressources (temps, budget, compétences, équipe) ? | • Équipe actuelle : une Game Programmeuse, un Game Artist 3D/Animateur et un Game Designer/Producer • Recrutement futur prévu pour le son et un renfort en art • Déléguer la localisation et le marketing à des pros, car l’équipe ne maîtrise pas ces compétences et veut garantir un résultat efficace • Se faire accompagner par une structure d’aide à la création d’entreprise spécialisée dans le jeu vidéo et bénéficier de retours de pros • Les trois membres de l’équipe ont de quoi subvenir à leurs dépenses mensuelles pendant 2 ans • L’équipe estime disposer d’un capital social de 25 K€ au démarrage, constitué en majorité par des apports en industrie liés au projet |
| Réaliste | Cet objectif est-il cohérent avec ma vision, mes moyens et mes compétences actuelles ? | • Équipe déjà expérimentée dans le développement de prototypes et souhaitant se spécialiser dans les jeux d’horreur, par passion pour le genre et pour saisir des opportunités de marché |
| Temporel | Quelle est la date butoir ? Quels jalons intermédiaires fixer pour suivre l’avancée du projet ? | Délai global : 30 mois (2 ans et demi) Milestones : Conceptualisation (Mois 1), Préproduction (Mois 7), Vertical Slice (Mois 13), Signature éditeur (mois 15), Alpha (mois 21), Bêta (Mois 24), Post-production (Mois 27), Sortie (Mois 30) |
🎒 Les différentes manières de commencer son aventure entrepreneuriale
Le chômage, premier financeur des entrepreneur·es
En France, l’assurance chômage reste l’une des plus avantageuses au monde : calculée sur les revenus, et d’une durée confortable par rapport à d’autres pays, bien que plafonnée et récemment durcie par les réformes, c’est un vrai coup de pouce quand on souhaite entreprendre.
Si vous êtes au chômage et souhaitez créer votre entreprise, bonne nouvelle : France Travail considère cette démarche comme une recherche d’emploi. Vous pouvez donc continuer à percevoir vos allocations (ARE) tout en travaillant à temps plein sur votre projet.
Des exonérations et aides spécifiques existent également pour les demandeurs d’emploi qui se lancent dans l’entrepreneuriat que nous verrons plus en détail dans le chapitre Aides à la création
Est-ce que vous pouvez bénéficier de l’allocation chômage (ARE) ?
Vous pourrez bénéficier des allocations chômage si vous remplissez toutes les conditions suivantes :
- Vous justifiez d’au moins 6 mois de travail (soit 130 jours travaillés ou 910 heures travaillées) au cours des 24 derniers mois (36 derniers mois si vous êtes âgé·e d'au moins 55 ans à la date de fin de votre dernier contrat de travail). Cette condition peut être remplie avec un ou plusieurs contrats, chez différents employeurs
- Vous avez involontairement perdu votre emploi (licenciement (quel que soit le motif), fin de CDD ou de mission d'intérim, ou rupture anticipée à l’initiative de l’employeur) ou avez perdu votre emploi dans le cadre d’une rupture conventionnelle ou d’une rupture d’un commun accord
- Vous vous inscrivez à France Travail dans les 12 mois qui suivent la perte de votre travail. Cette inscription est obligatoire pour percevoir des allocations chômage
- Vous recherchez activement un emploi ou dans votre cas la création d’une entreprise
- Vous n’avez pas atteint l’âge et le nombre de trimestres requis pour une retraite à taux plein ou vous ne bénéficiez pas d’une retraite anticipée
- Vous êtes physiquement apte à travailler
- Vous habitez en France (métropole et DOM sauf Mayotte où les règles d’assurance chômage sont spécifiques)
Pour plus d’informations, je vous conseille vivement de vérifier vos droits sur France Travail.
Congé entrepreneurial et congé sabbatique
Vous êtes salarié·e et souhaitez vous lancer dans une aventure entrepreneuriale ? Deux dispositifs permettent de prendre du recul professionnellement tout en gardant un filet de sécurité : le congé pour création d’entreprise et le congé sabbatique.
Les principales différences
| Dispositif | Durée | Conditions d’ancienneté | Projet requis ? | Renouvelable ? |
|---|---|---|---|---|
| Congé pour création d’entreprise | Jusqu’à 12 mois (renouvelable 1 fois) |
24 mois d’ancienneté | Oui | Oui |
| Congé sabbatique | 6 à 11 mois | 36 mois d’ancienneté | Non | Non |
Le congé pour création d’entreprise
Le congé pour création ou reprise d’entreprise vous permet de suspendre votre contrat de travail pour développer un projet entrepreneurial, tout en conservant la possibilité de réintégrer votre poste à la fin du congé si le projet n’aboutit pas.
Conditions d’accès :
- Avoir au moins 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise (consécutifs ou non).
- Effectuer la demande par courrier recommandé auprès de l’employeur, en respectant les délais légaux.
Cas selon la taille de l’entreprise :
👉 Entreprises de moins de 300 salarié·es :
L’employeur peut refuser la demande dans certains cas :
- non-respect des critères (ancienneté, projet peu clair.)
- impact jugé négatif sur l’activité de l’entreprise (après avis du CSE)
👉 Entreprises de 300 salarié·es ou plus :
Si les conditions sont remplies, l’employeur ne peut pas s’opposer au congé (hors non-conformité légale).
Temps complet ou temps partiel :
Le congé peut être pris :
- à temps complet
- ou à temps partiel, selon les besoins du/de la salarié·e et les modalités définies avec l’entreprise.
Durée :
Jusqu’à 12 mois, renouvelable une fois.
Le congé sabbatique
Le congé sabbatique permet de faire une pause professionnelle sans avoir à justifier d’un projet entrepreneurial ou personnel. Le contrat est suspendu, sans rémunération.
Conditions à remplir :
- 3 ans d’ancienneté dans l’entreprise
- 6 années d’activité professionnelle au total
- Ne pas avoir bénéficié, au cours des 6 dernières années, dans l’entreprise :
- d’un congé sabbatique
- d’un congé pour création ou reprise d’entreprise
- d’un projet de transition professionnelle (PTP) d’au moins 6 mois
Durée :
De 6 mois minimum à 11 mois maximum. Ce congé n’est pas renouvelable.
Démarrer en parallèle : tester à temps partiel
Avant de tout quitter, il peut être stratégique de tester son idée sur son temps libre, pour évaluer sa viabilité sans tout risquer.
Comment dégager du temps ?
Commencez par analyser votre emploi du temps :
Listez toutes vos activités (ex : séances de sport, temps passé à regarder Netflix, temps passé au travail, dans les transports, engagements pour votre chien/chat/enfant/partenaire/ami·e·s, sommeil, repas, préparation le matin, etc). Voici une base pour vous aider :
- 168h dans une semaine
- 56h de sommeil (8 h/nuit)
- 45 à 50h de travail + transports
- 15h pour les repas et l’hygiène
👉 Il vous reste environ 40 à 50 h de marge par semaine.
Selon le type de jeu vidéo que vous souhaitez créer, et si vous êtes seul·e ou en équipe, il vous faudra un temps conséquent. On estime qu’il faut au moins 10h par semaine pour commencer à conceptualiser un projet sérieusement.
Posez-vous donc les questions suivantes, après avoir estimé toutes vos activités :
- Puis-je insérer mon projet de prototypage de jeu et de création d’entreprise dans mon emploi du temps ?
- Puis-je réduire, supprimer ou adapter certaines activités ? (Même 30 minutes grappillées ici et là, comme arrêter de regarder des vidéos aux toilettes, peuvent faire une vraie différence sur un an.)
Si vous êtes salarié·e
Un emploi très fatigant peut limiter votre énergie disponible. Il est parfois plus malin de changer de poste temporairement pour un emploi moins prenant, afin de libérer du temps pour avancer sur votre projet. Ce n’est pas une régression, c’est une stratégie.
Si vous êtes indépendant·e
Si vous êtes déjà entrepreneur·e, cela peut vous permettre de continuer à payer vos factures tout en dégageant du temps pour travailler sur votre projet.
Si vous êtes étudiant·e
Si vous êtes dans une école de développement de jeux vidéo, ou dans une discipline clé (par exemple une école d’ingénieur·e pour la programmation), commencez à allouer du temps en soirée ou le week-end à un projet personnel.
À la fin de votre cursus, si vous avez un jeu de fin d’année en groupe, renseignez-vous pour savoir si l’école vous cède les droits : cela peut vous permettre de fonder un studio avec déjà une vertical slice prête à être présentée.
Vous voulez reprendre votre projet étudiant et l’école vous cède les droits ?
L’école cédera généralement les droits à toute l’équipe qui a travaillé sur le projet :
- Si certaines personnes ne souhaitent pas continuer le projet que vous voulez reprendre, il faudra leur demander de céder leurs droits sur le projet. Pour cela, faites-vous accompagner par une structure spécialisée ou un·e professionnel·le afin d’éviter que le contrat de cession de droits ne soit pas reconnu juridiquement valable.
- Lors de votre projet étudiant, il se peut que vous ayez utilisé des assets, sons, polices d’écriture, etc., qui ne soient pas libres de droits. Vérifiez donc bien votre projet et retirez tout élément problématique afin d’éviter des soucis par la suite.
- Identifiez les profils manquants dans votre équipe afin de définir ce que chacun·e souhaite faire dans l’entreprise et quels profils recruter à l’avenir.
Vous pouvez peut-être également bénéficier du Statut National d’Étudiant·e-Entrepreneur·e (SNEE) qui s’adresse aux jeunes porteur·euses de projet inscrit·es dans un Pôle Pépite, qu’ils·elles soient étudiant·es ou jeunes diplômé·es.
🔎 Il n’existe pas qu’une seule voie
Beaucoup de studios naissent avec l’ambition de créer leur propre jeu original, sans communauté déjà établie pour les soutenir. Un défi difficile, parfois couronné de succès, mais qui conduit aussi de nombreux projets à disparaître avant leur sortie. Certains studios se sont appuyés sur des communautés déjà existantes pour donner vie à leurs projets : en partant du modding amateur pour évoluer vers le développement professionnel, comme Pavonis Interactive, ou en reprenant un jeu abandonné pour le faire renaître, comme Omeda Studios avec Predecessor.
Ces exemples montrent qu’il n’y a pas de modèle unique pour réussir dans le jeu vidéo, seulement des trajectoires passionnées, guidées par la créativité et la persévérance :